Pourquoi il ne faut pas jouer aux apprentis sorciers avec la filiation, le témoignage poignant d’une femme née par GPA
Les secrets de famille sont dangereux et occasionnent des souffrances, comme l'explique Olivia Maurel, née par GPA et comme nous l'enseigne la psychogénéalogie à travers sa compréhension des conséquences des secrets sur la filiation.
PSYCHOGÉNÉALOGIE
Laurence Baudot
4/6/20244 min read
Pourquoi il ne faut pas jouer aux apprentis sorciers avec la filiation, le témoignage poignant d’une femme née par GPA
Il est rare d’avoir accès à des témoignages d’enfants ou d’adultes nés grâce aux nouvelles techniques d’aide à la procréation. C’est pourquoi je trouve important d’écouter ce qu’ils ont à dire lorsqu’ils prennent la parole.
Face aux couples qui brandissent leur désir d’enfant comme justification à l’utilisation de ces nouvelles méthodes de procréation, il me semble indispensable d’entendre les souffrances d’enfants issus de ces pratiques.
A ce titre le témoignage d’Olivia Maurel (voir lien en fin d’article) est particulièrement intéressant et émouvant. Née d’une mère porteuse, elle ne l’a découvert que tardivement, mais a pu retrouver sa mère biologique grâce à un test ADN. Les souffrances qu’elle a traversées l’incitent aujourd’hui à lutter contre la GPA.
Parmi les difficultés qu’elle a rencontrées, elle évoque en particulier :
le fait qu'on ne peut pas se construire sans connaître ses origines
la violence de la séparation avec la mère dès la naissance
la douleur de se savoir l'objet d'un contrat
A travers ce témoignage bouleversant, nous retrouvons les principes mis en lumière par la psychogénéalogie, en particulier concernant les dégâts liés aux secrets sur la filiation.
Tout être humain devrait pouvoir connaître ses origines, c’est-à-dire connaître l’identité et la lignée de ses parents biologiques. Ceux-ci lui ont transmis, non seulement leur patrimoine génétique, mais également une mémoire généalogique, dont il est essentiel de pouvoir prendre connaissance.
Notre arbre généalogique vit à travers nous, que nous en ayons conscience ou non. Les mémoires héritées se révèlent à travers nos vies par des évènements inattendus ou incongrus, parfois douloureux, dont le sens peut s’éclairer à la faveur d’une découverte concernant l’histoire de nos ancêtres.
Nier l’importance de cet héritage et l’influence qu’il peut avoir sur nos vies ne le fait pas disparaître.
La PMA et la GPA incitent à faire l’impasse sur cette réalité. Comme si les Frankenstein modernes pouvaient créer un être totalement neuf, une page blanche sur laquelle les désirs des parents adoptifs s’imprimeraient automatiquement en effaçant toute histoire préalable. Alors qu’en réalité le matériel biologique utilisé et/ou l’utérus marchandisé proviennent d’êtres humains ayant à la fois un patrimoine génétique et généalogique déterminants pour leurs descendants.
L’être humain est parfois si aveuglé par sa volonté de puissance et ses désirs de possession et de consommation qu’il ne voit pas ou ne veut pas voir les conséquences et les souffrances engendrés pour la satisfaction de son seul plaisir.
Mais ce n’est pas grave puisque l’arme absolue contre toute souffrance sera bientôt offerte à tout un chacun à la moindre plainte, sous forme d’euthanasie ! Ironie mise à part, être créé en laboratoire, ne rien savoir de ses géniteurs et se faire euthanasier pour mettre fin aux souffrances psychiques qui en découlent, ne correspond pas au modèle de société dont je rêve.
La psychogénéalogie nous met en garde face à ces dérives, en insistant sur les problématiques liées aux secrets, en particulier ceux concernant la filiation.
L’impossibilité de penser ses origines, l’interdit qui pèse sur cette question équivaut à une interdiction de penser qui est très inhibante pour le sujet privé du droit de savoir.
Dans son livre Les nouveaux secrets de famille, les comprendre pour s’en libérer (Ixelles Editions, 2012), Elisabeth Horowitz aborde ces questions de façon approfondie. Elle explique, par exemple, qu’"interdire le droit à un savoir sur ses origines, c’est empêcher l’enfant de se demander d’où il vient, de qui il vient. C’est peut-être aussi la privation d’un droit à penser tout court et une loi qui rend obligatoire l’anonymat fait donc alliance à la fois avec le mensonge et avec le déni."
Rappelons ici que "l’un des effets majeurs du secret est la répétition de son contenu à la génération suivante ou à deux générations. En soi, la répétition n’est ni positive, ni négative, elle est une simple pression généalogique visant à faire émerger la vérité".
Les effets du secret sur les origines sont trop nombreux pour être détaillés ici, citons simplement "clivage familial et rivalités (entre ceux qui savent, étant souvent les préférés des parents et de la famille et ceux qui ignorent, généralement les délaissés), déterminisme social et financier, répétition inconsciente des situations familiales cachées, refoulement de la créativité, troubles psychiques et relationnels, dépression, somatisation et comportements antisociaux... ", sans oublier le risque d’inceste lorsque l’on ne connaît pas sa parenté (surtout aux USA où les dons de sperme ne sont pas limités en nombre, certains donneurs pouvant donc donner naissance à plusieurs centaines de frères et sœurs qui ne sont pas à l’abri de se rencontrer).
Pour approfondir le sujet, je recommande la lecture du livre d’Elisabeth Horowitz, Les nouveaux secrets de famille, les comprendre pour s’en libérer (Ixelles Editions, 2012), dont sont tirées les citations ci-dessus.
Pour voir le témoignages vidéo d'Olivia Maurel : https://www.youtube.com/watch?v=kSTYVDVMGwk