Alain Delon : pourquoi ses enfants se déchirent tandis qu’il agonise

Depuis un peu plus d’un an et alors que la santé de l’acteur décline, les querelles familiales au sein du clan Delon s’étalent dans les médias et les tribunaux, exposant au monde entier la mésentente entre les trois enfants d'Alain Delon.

Certains trouvent cet affichage choquant et dégradant pour l'image de la star. Pourtant il est intéressant d’observer ce qui se passe lorsqu’un parent avec des traumatismes d'enfance non résolus préfère ouvertement l'un de ses enfants. La préférence est un poison psychologique présent dans beaucoup de familles, mais la médiatisation de la famille Delon permet d’en exposer les mécanismes et les conséquences.

Je vous propose donc d’examiner ce que l'on sait du drame en train de se jouer sous nos yeux pour tenter de comprendre ces problèmatiques, sachant que si l'on fait abstraction de la notoriété et de la richesse, des situations similaires existent dans de nombreuses familles.

Alain Delon, du fils blessé au père rejetant

L'acteur et mégastar française Alain Fabien Maurice Marcel Delon, 88 ans, né le 8 novembre 1935, est le fils d'Édith (1911-1995) et de Fabien Delon (1904-1977).

Fabien Delon, qui travaillait dans un cinéma comme projectionniste, avait aussi une caméra avec laquelle il filmait des scènes de la vie quotidienne, ce qui pourrait être à l'origine de la vocation d’acteur d'Alain Delon, le cinéma devenant un moyen de se rapprocher symboliquement d’un père qui l’a délaissé.

Ses parents divorcent lorsqu'il a quatre ans. Alain Delon est ensuite placé dans des familles d'accueil, puis dans différents internats, dont il sera plusieurs fois renvoyé pour mauvaise conduite.

Il quitte l'école à 14 ans et travaille brièvement dans la boucherie de son beau-père. À 17 ans, il s'engage dans la marine française et, à titre d'arrangement, après avoir volé du matériel militaire, il est envoyé en Indochine (1953-1954). A son retour, il coupe les ponts avec ses parents, à qui il reproche de l'avoir laissé partir à la guerre.

Il semble qu'Alain Delon n'ait jamais eu de figure paternelle solide pour le guider. Il s'est également senti abandonné par sa mère et a décidé de se débrouiller seul, sans rien devoir à sa famille.

Loin d'être un début de vie paisible, ces événements traumatisants contiennent les germes de ce qu'il reproduira avec ses enfants.

Trois ou quatre enfants ?ois ou quatre enfants ?

Les trois enfants d'Alain Delon, Anthony, né en 1964 de Nathalie Delon, Anouchka (1990) et Alain-Fabien (1994) de Rosalie van Breemen, s'affrontent aujourd’hui publiquement autour de leur père malade.

Après avoir uni leurs forces en juillet 2023 pour sauver leur père des griffes de sa gouvernante ou compagne (selon les points de vue), les trois enfants, n’étant pas d'accord sur le lieu de résidence de leur père, se sont affrontés par l'intermédiaire des médias et de la justice.

Par une coïncidence dont le temps généalogique a le secret, cette agitation médiatique a commencé début juillet 2023 après la mort d'Ari Boulogne et avant même son enterrement le 18 juillet. Ari Boulogne, qui a toujours prétendu être le fils d'Alain Delon et qui a été en partie élevé et adopté par la mère d'Alain Delon, n'a jamais été reconnu par Alain Delon.

Né en 1962 et fils de Nico, star allemande du rock, égérie d’Andy Warhol et toxicomane, Ari a mené une vie d’errance, d’abandon et de pauvreté, à l’image de sa mort. Son corps en décomposition a été retrouvé en mai 2023, quelque temps après son décès à 60 ans, possiblement par overdose.

Quiconque a vu le visage d’Ari jeune ne peut qu’être frappé par sa ressemblance avec Alain Delon, qui, lui-même, assimile celle-ci à une simple "une coïncidence morphologique" selon ses propres termes. Un test ADN aurait pu faire la lumière sur cette affaire, mais les tentatives d’Ari en ce sens ont été rejetées. En 2024, les enfants d’Ari en ont à nouveau fait la demande.

Seul dans le clan Delon, Anthony a exprimé sa tristesse face à la mort d'Ari.

La guerre des héritiers

Les trois enfants de la star se sont livrés à une véritable guerre, chacun prétendant défendre au mieux les intérêts de son père. Anouchka Delon réclamait qu'il soit soigné en Suisse, où elle vit, tandis qu'Anthony et Alain-Fabien disaient respecter la volonté de leur père de finir ses jours dans sa propriété de Douchy, en France.

Les traumatismes non résolus de l'enfance se répètent dans les générations suivantes tant qu'ils ne sont pas guéris. A travers ce drame familial, nous pouvons observer comment les traumatismes et les difficultés se transmettent d'un père à ses enfants. On voit aussi à l'œuvre comment l'injustice de traitement vécue par les enfants les empêche de s'entendre et est à l'origine de futures guerres fratricides.

Voici une liste des points les plus marquants connus du public pouvant éclairer ces répétitions :

• Les deux fils d'Alain Delon ont vécu la séparation de leurs parents à peu près au même âge que lui.

• Comme leur père, les deux fils ont connu une enfance et une scolarité compliquées, avec des renvois de nombreuses écoles et internats ; ils ont tous deux quitté l'école prématurément. Seule Anouchka a obtenu son diplôme de fin d'études secondaires.

• Comme leur père, qui avait été pris en flagrant délit d'infraction à la loi et avait participé à la guerre d'Indochine, les deux fils ont eu des problèmes avec les armes à feu et la loi vers l'âge de 17-18 ans. Anthony a passé un mois en prison et Alain-Fabien a accidentellement blessé une jeune fille lors d'une fête.

•  Comme son père, Anthony a eu un premier enfant "caché", une fille née d'une "aventure d'un soir" avec une danseuse du Crazy Horse, dont il a découvert l'existence après sa naissance. Il a accepté un test de paternité quand elle avait 21 ans et a souhaité établir une relation avec elle, mais celle-ci semble compliquée. Il a tout de même fait mieux que son père sur ce point.

• Les deux fils et Anouchka ont joué dans des films ou des séries, mais jusqu'à présent sans égaler leur père auquel ils sont toujours comparés.

• Alain Delon a donné à ses trois enfants un prénom commençant par la lettre "A". Ils portent donc tous les trois les mêmes initiales, A.D., que lui.

• Alain-Fabien a hérité des prénoms de son père (Alain Fabien) et de son grand-père (Fabien), ce qui le lie encore plus au destin de son père et de son grand-père. Il s'agit également d'une source de confusion qui accroît la difficulté à trouver son identité.

• Alain Delon a intenté un procès à Anthony pour l'empêcher d'utiliser la marque A.D. pour une marque de vestes qu'il voulait commercialiser.

• Dans une vidéo qu'il a publié, Anthony a demandé à son père, qui se trouvait devant lui, "Que vois-tu ?", Alain Delon lui a répondu "Je vois Alain Delon".
  
  D'une manière très narcissique, Alain Delon se reconnaît dans ses garçons, à la fois les pousse à lui ressembler et le leur interdit ; peut-être finalement les voit-il surtout comme des rivaux à supplanter.

La malédiction d'être la préférée

Alain Delon est connu pour être un père sévère, voire violent avec ses garçons. Mais il en a été tout autrement avec sa fille Anouchka, qu'il a gâtée et choyée. Et ce n'est un secret pour personne : Anouchka est la préférée d'Alain Delon.
Anthony a quantifié cette préférence en déclarant à la télévision qu'elle avait reçu 90% et Alain-Fabien seulement 10% de l'amour, de l'attention, de l'aide et des conseils de leur père pour réussir dans la vie.

Alain-Fabien l'a confirmé en disant qu'il s'était toujours senti négligé, rejeté et méprisé dans cette famille.

Anthony a également déclaré que le testament de leur père avait déjà été rédigé et que tout avait été réglé avant l'accident vasculaire cérébral d'Alain Delon en 2019. Anouchka recevra 50 %, Anthony et Alain-Fabien 25 % chacun (le minimum dont ils peuvent hériter d’après la loi française); une autre façon de montrer qui est le favori.

Anouchka est également impliquée dans l'entreprise de son père en tant que vice-présidente et mène une vie luxueuse à Genève (d'après Anthony).

Mais être le préféré n'est pas une situation si enviable qu'il y paraît. Et dans les deux cas, que l'on soit préféré ou rejeté, cela signifie ne pas être vraiment aimé, les deux situations engendrant leur lot de souffrances.

De plus, si vous êtes le préféré, vos parents vous créent une dette envers vos frères et sœurs et vous vous sentez coupable, ne serait-ce qu’ inconsciemment. Il peut également être plus difficile de se détacher et de porter un regard objectif sur le parent qui nous a préféré. La préférence est un piège qui risque de maintenir l'enfant préféré dans une prison dorée. 

À la mort de son père, Anouchka se retrouvera seule face à ses frères, rapprochés par le fait qu'ils ont tous deux été maltraités par leur père. Si elle ne cherche pas l'apaisement, la guerre risque d'être féroce, alimentée par la jalousie et la colère justifiées.

Bien sûr, elle n'est pas responsable d'être la préférée, mais tout le ressentiment de ses frères se concentrera très probablement sur elle après la mort de leur père.

C'est souvent l'enfant le moins aimé qui prend soin du parent qui l'a négligé, peut-être dans l'espoir illusoire d'obtenir quelques miettes d'amour avant qu'il ne soit trop tard. Il n'est donc pas surprenant qu'Alain-Fabien ait vécu avec son père malade et s'en soit occupé jusqu’à ce que celui-ci soit placé sous curatelle renforcée. Pour ce faire, il a dû renoncer à ses projets professionnels et s'isoler dans la propriété désolée et délabrée de Douchy, comme il l'a dépeinte. Seul avec un père qui semble avoir préféré ses chiens à ses fils, il a joué le garde-malade d'un vieillard impotent qui ne cesse de demander si c'est le matin ou le soir.

Le lieu de sépulture

Alain Delon a toujours déclaré vouloir être enterré dans sa propriété de Douchy, où reposent déjà ses 40 chiens. Il a pris toutes les dispositions et tout prévu pour que cela soit possible. Il a même fait construire une chapelle avec un caveau de six places. À qui sont destinées les cinq autres places ? Les destinait-il à une femme et à quatre enfants ? Quoi qu'il en soit, il serait intéressant de savoir qui d'autre voudra y être enterré.

Pour conclure, je voudrais souligner que la famille est le modèle initial de toute société : agitée de tensions qui peuvent conduire à des conflits susceptibles de se propager de génération en génération, elle est aussi une communauté qui peut incarner un idéal d'amour, de partage et de collaboration fructueuse.

Ne l'oublions pas et faisons de notre mieux pour améliorer la société en faisant prévaloir l'amour et la justice dans nos familles.

Chaque enfant doit être accueilli et traité sur un pied d'égalité avec ses frères et sœurs. Tant que nous sommes en vie, il n'est jamais trop tard pour corriger une situation injuste et ne pas laisser un fardeau trop lourd aux générations suivantes. Puisse cela inspirer Alain Delon et tous ceux qui lui ressemblent avant qu'il ne soit trop tard.